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Péril sécuritaire au Centre du Mali: personnels et infrastructures de santé en danger.

Péril sécuritaire au Centre du Mali: personnels et infrastructures de santé en danger.

By Foussénou Sissoko
on October 4, 2019

La crise sécuritaire s’aggrave dans le Centre du Mali, dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina Faso et Niger). L’insécurité et la peur ont entrainé une forte dégradation de l’accès aux soins de santé pour les populations et l’État est en manque d’initiatives pour y faire face. Pour pallier cette absence de l’État, les communautés et les élites politiques locales ont sollicité l’appui des Organisations Humanitaires Internationales, dont certaines étaient déjà présentes dans la région depuis 2013.

Dans le Centre du Mali autour de la ville de Mopti (capitale régionale du Centre) et dans les zones aux frontières du Mali, du Burkina Faso et du Niger, les incidents sécuritaires et les conflits intercommunautaires n’ont cessé de croître depuis plus de deux ans. Une partie de la population est devenue quasi immobile par crainte des acteurs armés sur les routes.

Le 21 aout 2019, une mission d’escorte de l’armée malienne est tombée dans une embuscade entre Boni et Hombori dans la région de Mopti. Cinq soldats maliens sont morts dans l’attaque. Deux jours auparavant dans la même région, mais cette fois sur le territoire du Burkina Faso, des groupes armés terroristes ont attaqué une caserne de l’armée burkinabé. Bilan: 24 morts, 7 blessés et 3 disparus.

Des conséquences multiples

Les conséquences de la crise sécuritaire se ressentent sur le fonctionnement des structures de santé, qui peinent à répondre aux besoins des communautés. Des villages se retrouvent enclavés et les habitants n’ont pas accès aux soins de santé de base. En certains endroits, les patients et le personnel médical local ont des difficultés à se déplacer. Des centres de santé ont été soit pillés soit désertés par le personnel qualifié qui y travaillait.

Dans ces conditions, les enfants en bas âge et les femmes enceintes, particulièrement vulnérables, mais aussi les blessés de guerre, ont de grandes difficultés à se faire soigner. À cela s’ajoute le phénomène inhabituel de décès de personnes dus à la malnutrition, parce que l’insécurité empêche l’acheminement de vivres vers les communautés.

L ‘administration malienne, notamment dans le domaine de la santé, peine à être présente dans ces zones en conflits, et les centres de santé encore opérationnels éprouvent de grandes difficultés à trouver du personnel qualifié. Certaines infrastructures sont dégradées.

Tout laisse à penser qu’une sortie de crise et un retour à la normale des services de santé dans cette partie du pays ne sont pas envisageables à court terme. Pour reprendre Patrick Irenge, coordonnateur médical de MSF à Bamako (capitale du Mali): «Notre appréhension aujourd’hui est que l’insécurité continue de s’intensifier et prive inévitablement de plus en plus de personnes d’accès aux soins de santé et aux biens de première nécessité».

 

Pallier l’absence de l’État

En attendant, seules les organisations humanitaires internationales comme Première Urgence Internationale, présente dans la région depuis 2013, et Médecins Sans Frontières (MSF) sont présentes dans les zones en conflits; elles sont très sollicitées par les communautés et les autorités locales pour pallier l’absence de l’Etat.

Première Urgence Internationale et MSF ont mis en place des actions médicales en appui aux structures de santé locales et à l’accès aux soins de santé des communautés. Elles ont développé deux stratégies à cet effet: une première stratégie qui implique les cliniques mobiles et une deuxième stratégie qui concerne les interventions de proximité avec l’implication des communautés dans la prise en charge de certaines maladies grâce aux Agents de Santé Communautaires (ASC).

Les cliniques mobiles

Les deux organisations humanitaires ont mis en place des «cliniques» mobiles composées de personnel médical. Ces équipes sillonnent des localités difficiles d’accès dans la zone des trois frontières. Elles procèdent à des offres de soins aux communautés.

La stratégie des cliniques mobiles consiste à profiter d’une fenêtre sécuritaire, comme une accalmie temporaire dans une zone précise, pour déployer une équipe qui fournira le maximum de soins sur place, y compris les traitements préventifs et les vaccinations. Ces interventions ciblées permettent de venir en aide aux personnes les plus vulnérables et de les protéger temporairement sur le plan sanitaire, malgré l’insécurité.

Implication des communautés et formation des Agents de Santé Communautaires

Une autre stratégie développée par MSF est d’impliquer davantage la communauté dans la prise en charge de certaines maladies, grâce à la formation d’ASC et à la mise à disposition de médicaments au niveau des communautés. Ainsi, pour des pathologies simples telles que le paludisme ou les diarrhées, les malades sont pris en charge au sein même des communautés. Les ASC sont également formés au suivi des grossesses et à la détection de la malnutrition et des signes de maladies graves, afin de référer à temps les cas vers les structures compétentes.

La dernière stratégie sur laquelle MSF focalise ses efforts avec une forte participation des ASC est la vaccination, car en situation de conflit elle permet de réduire fortement la mortalité infantile.

En guise de conclusion, l’État malien est interpellé.

Comme nous venons de le voir, le système de santé dans la région Centre du Mali est touché par la dégradation de la situation sécuritaire. Les structures de santé communautaires sont difficiles d’accès. Par conséquent, l’État malien est interpellé, parce qu’il ne saurait sous-traiter indéfiniment la protection de la santé des communautés vivant dans les zones de conflit du Centre. Il doit opérer un choix, celui de s’assumer, et il doit jouer pleinement son rôle régalien de sécurisation de l’ensemble de la région. Ces deux conditions une fois remplies, l’État, à travers le ministère de la Santé publique et des Affaires sociales, doit pouvoir apporter assistance aux centres de santé communautaires locaux en les réhabilitant, en les approvisionnant en médicaments et matériel, en formant les prestataires, en appuyant la prévention, le dépistage et la prise en charge de la malnutrition qui touche les plus jeunes, les femmes enceintes et allaitantes. La contribution des organisations humanitaires comme Première Urgence Internationale et MSF ne doivent être que des apports ou appuis ponctuels dans le cadre des situations d’urgence de santé publique.

Security risks in the Center of Mali jeopardize staff and health infrastructure

(English translation)

As is it the case in other Sahel countries, the security crisis is worsening in the center of Mali, and in the three-border area with Burkina Faso and Niger. Insecurity and fear have led to a serious deterioration in access to health care for the population while the state is largely ‘missing in action’. In response to this absence of the state, local communities and political elites have sought support from International Humanitarian Organizations, some of which have been active in the region since 2013.

In central Mali, around the city of Mopti (the regional capital of the Center), and in the border areas of Mali, Burkina Faso and Niger, security incidents and inter-community conflicts have been steadily increasing for more than two years. Part of the population has become almost motionless for fear of armed actors on the roads.

On August 21, 2019, an escort mission of the Malian army fell into an ambush between Boni and Hombori in the Mopti region. Five Malian soldiers died in the attack. Two days earlier in the same region, but this time on the territory of Burkina Faso, armed terrorist groups attacked barracks of the Burkinabe army. Balance: 24 dead, 7 wounded and 3 missing.

Multiple consequences

The security crisis has a big impact on the functioning of health facilities, which are struggling to meet the needs of communities. Villages are landlocked and people do not have access to basic health care. In some places, patients and local medical staff have difficulty moving around. Health centers have been either looted or deserted by qualified staff who used to work there.

Under these conditions, young children and pregnant women, who are particularly vulnerable, but also the war-wounded, have great difficulty to get treatment. In addition, people are now also dying from malnutrition, because insecurity prevents the delivery of food to communities.

The Malian administration, particularly in the health field, is struggling to be present in these conflict zones, while the health centers which are still operational have great trouble to find qualified personnel. Some facilities are degraded.

Everything suggests that a recovery from the crisis and a return to normal health services in this part of the country won’t be possible in the short term. To quote Patrick Irenge, MSF’s medical coordinator in Bamako (capital of Mali): “Our assessment today is that insecurity continues to intensify and inevitably deprives more and more people of access to healthcare and basic necessities”.

Overcoming the absence of the state

In the meantime, only international humanitarian organizations such as Première Urgence Internationale, present in the region since 2013, and Médecins Sans Frontières (MSF) are around in conflict zones; they are very much in demand by communities and local authorities to compensate for the absence of the state.

Première Urgence Internationale and MSF have put in place initiatives in support of local health facilities and access to health care in communities. They have developed two strategies for this purpose: the first one involves mobile clinics, the second one concerns outreach interventions through Community Health Workers (CHWs).

Mobile clinics

The two humanitarian organizations have set up mobile “clinics” made up of medical staff. These teams travel through hard-to-reach locations in the three-border area and offer care to the communities.

The mobile clinic strategy tries to take advantage of a “safe window”, such as a temporary lull in a specific area, to deploy a team that will provide maximum on-site care, including preventive treatments and vaccinations. These targeted interventions help the most vulnerable people and temporarily provide the most important health care, despite the insecurity.

Community Involvement and Training of Community Health Workers

Another strategy developed by MSF is to involve the community more in the management of certain diseases, through the training of CHWs and the provision of medicines at the community level. Thus, for simple pathologies such as malaria or diarrhea, patients are cared for within communities. CHWs are also trained in pregnancy monitoring and the detection of malnutrition and signs of serious illness, in order to refer cases in time to the appropriate level. Also for vaccination, MSF greatly involves CHWs, because in conflict situations this approach can greatly reduce child mortality.

In conclusion, the Malian State is being challenged “big time”.

As mentioned above, the health system in the central region of Mali is severely affected by the deterioration of the security situation. Community health structures are difficult to access. As a result, the Malian State is being challenged because it cannot “subcontract” indefinitely the protection of the health of the communities living in the conflict zones of the Center. It must make a choice, that of taking responsibility, and should do all it can to secure the entire region. Once these two conditions have been met, the State, through the Ministry of Public Health and Social Affairs, should be able to provide assistance to local community health centers by rehabilitating them, supplying them with medicines and equipment, and training providers. The State should also support prevention & screening, as well as management of malnutrition that affects the youngest, as well as pregnant and lactating women. Humanitarian organizations such as Première Urgence Internationale and MSF should only provide a  temporary (though much appreciated) contribution in the context of public health emergencies.

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1 comments
Sidiki COULIBALY says:

Très intéressant article de M. F. SISSOKO.
Tièba, à kéra fama yé dèh! I né kibaru d’i ma nga email adressi là.
Kambè!
Sidiki COULIBALY